La confiance en entreprise
La confiance, un ingrédient essentiel et fondateur de la qualité des interactions entre les personnes
Pour l’instaurer comme mode relationnel, commençons par faire le point sur ce qu’elle implique.
Faire confiance ou avoir confiance signifie avoir foi en l’autre : l’autre est là pour moi, pour nous, et le sera toujours, il est fiable, je peux compter sur lui. De la confiance naît le sentiment d’assurance et de sécurité émotionnelle. La confiance est un sentiment aussi fort que fragile. Et pour cause : c’est l’un des premiers sentiments que nous avons expérimentés. Le petit enfant a eu besoin de ressentir une entière confiance en son parent, dont sa vie dépen- dait, pour grandir en toute sécurité. Ce sentiment sécure est encodé dans notre cerveau : c’est grâce à lui que le tout-petit a sereinement développé tous ses apprentissages. C’est dans cet état de confiance donné a priori aux adultes qu’il ne connaissait pas que le petit de l’homme a appris les choses les plus difficiles de toute son existence : se lever pour marcher, apprendre à parler, comprendre son environnement. Une fois adulte, c’est dans ce même état que son cerveau développe la plus grande plasticité : l’adulte apprend plus vite, réfléchit mieux, décuple ses facultés d’analyse et de raisonnement dans ce même sentiment de confiance et de sécurité.
Alors comment se fait-il que nous soyons prêts à accorder toute notre confiance aux capacités d’apprentissage d’un nourrisson, qui n’a encore rien prouvé, rien démontré, et que nous soyons moins confiants dans le potentiel de croissance et d’apprentissage d’un adulte ?
La confiance en 5 points
La confiance est un sentiment qui se donne:
Beaucoup de personnes pensent que la confiance se mérite : « Prouve-moi d’abord que tu es digne de ma confiance. » Pourtant, donner sa confiance a priori est un acte symbolique qui appelle immédiatement l’engagement de l’autre. Celui qui reçoit la confiance le vit comme un don précieux dont il va vouloir se sentir digne. Il n’aura de cesse de tout faire pour être à la hauteur de ce signe de reconnaissance incroyable, donné au tout début d’une relation. La confiance ouvre le cercle vertueux du don et du contre-don, qui va bien au-delà de se faire confiance pour des compétences respectives. Ce sen- timent appelle un engagement réciproque d’humain à humain, qui mise sur le fait que chacun va donner le meilleur de soi, sans défiance, sans méfiance : « Je suis là pour toi, tu es là pour moi. » La confiance est le socle de l’engagement et de la responsabilité individuelle. En milieu pro- fessionnel, il est utile de la poser comme un élément incontournable de coopération. D’ailleurs, il est intéressant de noter que la plupart des personnes donnant naturellement leur confiance sont aussi celles qui se font confiance dans leur capacité à réagir, à se protéger, à poser des limites, à s’affirmer, à s’adapter à leur environnement, à faire face aux imprévus, à se confronter à une autorité… Comme si le cercle vertueux commençait d’abord par se faire confiance, pour ensuite faire confiance aux autres.La confiance est un sentiment dit «entier»:
Nous décidons de faire confiance ou pas. Nous faisons rarement confiance à moitié. Ou, si nous l’exprimons ainsi, c’est pour dire avec ironie que nous ne faisons pas confiance. Il sera donc utile de tendre vers une confiance pleine et entière et de faire exprimer à chacun tous les comportements, attitudes, qui pourraient faciliter ou entraver ce sentiment. Quand on donne, on donne totalement, pas à moitié : c’est aussi ce qui donne toute sa valeur à ce sentiment.La confiance est un sentiment «contextualisé»:
Je peux faire entièrement confiance à une personne pour lui confier mon plan comptable, mais pas pour aller faire de la plongée sous-marine avec elle. Le ter- ritoire sur lequel s’exerce la confiance peut être délimité pour faciliter la cohésion d’une équipe : j’ai confiance en la compétence de l’autre que je lui reconnais, en sa capacité à respecter les règles de vie com- mune que nous instaurons ensemble au travail, et c’est tout ! Il ne m’est pas demandé de lui faire confiance pour lui raconter ma vie. Poser le contexte professionnel de la confiance en facilite souvent l’expression, car les personnes redoutent parfois que les limites avec la vie personnelle ne soient pas respectées.La confiance est différente de l’affinité ou de la sympathie :
On peut avoir confiance en un collègue de travail parce qu’on lui reconnaît une compé- tence, sans pour autant avoir envie de déjeuner avec lui. Vous ne ressentez pas d’affinité ou de sympathie particulière, et pourtant vous lui faites pleinement confiance sur le plan professionnel. Et l’inverse est vrai : beaucoup de bons copains ne feraient pas pour autant de bons collaborateurs ! Il ne faut donc pas confondre affinité et confiance. On ne peut pas demander à des personnes d’un même service, qui ne se sont pas choisies, de travail- ler dans un rapport d’affinité. Par contre, on peut leur demander de définir les règles d’une confiance mutuelle, pour obtenir une ambiance de travail détendue. Et si en plus, grâce à cela, ils se découvrent et s’apprécient, c’est la cerise sur le gâteau ! Mais ça, c’est de leur responsabilité.La confiance est un sentiment fragile qui a besoin d’être protégé:
Aussitôt les règles de confiance établies, il est primordial de définir ensemble les attitudes qui valideront au quotidien le respect de celles-ci. Comme il est important de convenir ensemble des sanctions à envisager quand la confiance a été mise à mal. La perte de confiance peut très vite apparaître comme une blessure qui laissera des traces dans la relation, et demandera un travail spécifique de réparation, qui est tout à fait possible, mais toujours délicat. La perte totale de confiance est un tueur de motivation : ne plus avoir confiance en ses actionnaires, ses associés, ses collaborateurs, ses clients, mène à un désastre relationnel. Même si la compétence reste au rendez-vous, le système est irrémédiablement déficient.Conduire une réflexion en équipe pour installer la confiance Dans de nombreuses entreprises, il est regrettable de constater que des équipes qui travaillent ensemble depuis plusieurs années se méconnaissent. chacun est pétri de préjugés, de jugements de valeur, d’opinions sur l’autre qui ne reposent que sur des sensations, des impressions, des interprétations, toutes sortes d’idées préconçues qui n’ont pas toujours été vérifiées. Des monticules de non-dits se sont accumulés au fil des années et viennent parasiter la qualité de la relation. La relation peut être bonne en apparence, mais, en explorant un peu plus la profondeur des liens, on découvre que l’un peut être blessé par les moqueries de l’autre, sans jamais oser le lui dire, ou incrédule face à un com- portement, sans jamais saisir l’occasion d’en parler. On remarque beaucoup de stratégies d’évitement, si bien que, quand le stress augmente, le phénomène de la goutte d’eau qui fait déborder le vase provoque un véritable tsunami que personne n’a vu venir… pourtant, les signes avant-coureurs étaient là, mais personne n’en a discuté pour relâcher la pression. Et l’on comprend pourquoi : bon nombre de managers n’ont pas été formés à la régulation et à la médiation. ils font l’autruche : ils mettent la tête dans le sable en espérant que les choses s’arrangeront seules. c’est pourtant rarement le cas.Christine Donati, 2019. Extraits du Livre “Management à bout de souffle: Favoriser l’intelligence des collectifs avec une nouvelle éthique managériale”